2013 – Influencia
« L’âge d’or des musées », Revue INFLUENCIA, Octobre-Novembre 213
Qu’est-ce qu’un musée ? Un lieu, ouvert à tous, regroupant des œuvres d’art. Et si le musée devenait en soi une œuvre d’art ? Florilège des ouvertures récentes à l’architecture toujours plus audacieuse.
27 octobre 2014, Paris. Les Parisiens découvraient le nouveau bâtiment signé Frank Gehry accueillant la Fondation Louis Vuitton. Quelques semaines plus tard, le 19 décembre 2014, à Lyon, était dévoilé l’étonnant musée des Confluences, livré par l’agence d’architectes autrichiens Coop Himmelblau. L’an prochain, le Louvre Abou Dabi, œuvre de Jean Nouvel, ouvrira ses portes sur 24 000 m2, rejoint peu après par le Guggenheim Abou Dabi signé par Frank Gehry. Et c’est au Hollandais Rem Koolhaas que la Fondation Prada a confié la construction de son nouvel écrin à Milan.
Qu’ont en commun ces nouveaux musées et ceux qui ont fait parler d’eux récemment comme le Centre Pompidou de Metz, le MuCEM à Marseille, le MURDV-Musée Schiedan aux Pays-Bas, le MAS à Anvers, l’Aga Khan Museum à Toronto, le Danish National Maritime Museum au Danemark, le Chang Ucchin Museum en Corée, le Sifang Art Museum à Nanjing, le Biomuseum à Panama City ou encore le Porsgrunn Maritime Museum en Norvège ? Ce sont avant tout des bâtiments à l’architecture ambitieuse, étonnante, parfois dérangeante. On se souvient du tollé provoqué en son temps par le Centre Georges-Pompidou à Paris, œuvre de Renzo Piano et Richard Rogers. Depuis, il est l’un des bâtiments de Paris le plus visité pour lui-même. Depuis son ouverture en 2013, le site du MuCEM, signé Rudy Ricciotti, a attiré plus de 2 millions de visiteurs alors que seuls 630 000 billets pour les expositions étaient vendus dans la même période.
Vers un tourisme architectural
Tout a commencé avec le musée Guggenheim. Celui de New-York d’abord, puis celui de Bilbao, tous deux conçus par Frank Gehry. « Rêvant de rééditer la réussite de Bilbao, des édiles ne cachent pas en effet leur souci d’utiliser l’architecture au profit d’objectifs économiques et touristiques, symbole du renouveau urbain et manifestation d’un vedettariat représenté par des architectes « stars » » écrit Jean-Michel Tobelem, dans son ouvrage « Le nouvel âge des musées ». A Lyon, l’audace architecturale du Musée des Confluences fait partie de la rénovation urbaine et architecturale ambitieuse du quartier de la Confluence. « Choisie il y a plus de 10 ans par le Conseil Général, l’architecture du musée se trouve aussi ambitieuse et originale que les autres projets lancés dans ce quartier appelé à devenir un lieu emblématique par son architecture contemporaine et innovante » explique Georges Kepenkian, adjoint au maire de Lyon en charge de la culture.
L’image du Prince
« Le monde a besoin de signes. Faire appel à un architecte célèbre pour une Fondation privée comme pour une municipalité, souligne à la fois son assise financière et sa responsabilité vis-à-vis de la ville. Les Princes de Florence avaient la même logique » constate Alain Iribarne, directeur de recherche au CNRS. « C’est le fait du Prince et le bonheur du Prince » ajoute l’architecte Jean Hanemian, qui insiste sur l’attrait que représentent de tels projets pour un architecte : « C’est une véritable vitrine, le niveau le plus haut de la création, offrant beaucoup de liberté ». La ville d’Oslo a retenu 270 projets suite à l’appel d’offres pour son nouveau musée, celle d’Helsinki près de 1 000. Pour Bernard Arnault, le bâtiment de la Fondation Louis Vuitton (qui se veut « partie prenante d’un territoire, d’une ville, d’un pays »), constitue le premier geste artistique de la Fondation. « Parce qu’il est l’un des plus grands architectes de notre époque, je savais que Frank Gehry créerait un monument de l’architecture du XXIè siècle » expliquait Bernard Arnault lors de l’inauguration.
Avec leur design ambitieux, les nouveaux musées ne deviennent-ils pas un écrin en soi plutôt qu’un écrin pour les œuvres ? N’y a-t-il pas risque de cannibalisation ? On peut se poser la question. « L’architecture est une porte magique vers les collections » se plait-on à dire au musée des Confluences. Et si l’essentiel était que l’on parle d’eux ?