2015 – Prestige
« Créer le nouveau cadre de l’homme : l’architecture d’éveil selon Jean Hanemian », Revue PRESTIGE, Décembre 2015
Qu’il s’agisse d’urbanisme, d’architecture ou d’architecture intérieure, une constante traverse les projets de Jean Hanemian depuis 40 ans : la réflexion sur l’origine. Un rapide coup d’œil à ses réalisations passées et ses projets en cours suffit à s’en persuader. Portrait d’un architecte-qui a choisi l’architecture, l’urbanisme et l’architecture d’intérieur par amour des mathématiques et par besoin de créer le cadre de l’homme afin d’intervenir directement sur sa vie.
Si l’on demandait à Jean Hanemian quels sont les trois mots qui le définissent le mieux, il répondrait certainement : origine, vie, lumière. Probablement parce qu’ils résument toute sa philosophie et sa réflexion sur le métier d’architecte. « Créer, pour notre agence d’architectes, c’est réfléchir. Qu’il s’agisse d’imaginer des espaces pour habiter, travailler, s’instruire, se soigner, se divertir, admirer, croire ou accueillir, la création n’existe pour nous que si elle naît d’une réflexion sur l’origine des activités de notre vie. L’imaginaire et son organisation, tel est notre couple moteur. Mais n’est-ce pas là la définition de la réflexion ?» fait remarquer Jean Hanemian, dont les projets passés et présents l’ont amené à travailler sur des bureaux, des logements, des lieux de culte et de culture, des hôtels et des centres d’affaires, des centres commerciaux et des magasins, des centres de soin, des entrées de ville et des jardins de ville.
Sa première œuvre, la Chapelle arménienne d’Issy-les-Moulineaux, aux portes de Paris, premier bâtiment contemporain de la ville, est illustratrice de cette démarche qui incite Jean Hanemian,- pour créer ce lieu de culte pour tous-, à remonter aux grottes des premiers croyants afin de proposer un édifice résolument contemporain rempli de lumière. Même réflexion sur l’origine dans le projet d’un musée-bibliothèque mémoire de l’art et de la culture islamique (MPML, Memory & Peace Museum Library). L’une des originalités du projet est la structure annulaire de l’édifice qui rappelle en volume les dessins traditionnels de l’art islamique.
Poussant la démarche jusqu’au bout, Jean Hanemian travaille avec des historiens et des historiens des modes de vie renommés pour s’imprégner du passé d’un bâtiment et sélectionner avec eux les éléments marquants destinés à être conservés comme témoin d’une typologie originelle. « Cette démarche nous permet de ne pas créer d’avance une forme, mais de trouver le volume qui va envelopper la fonction nouvellement définie » fait remarquer Jean Hanemian. Ce fut le cas lors de la rénovation et de la valorisation pour Redevco en 2008 d’un immeuble datant des 17è, 18è et 19è siècles, situé 65, rue de Rivoli à Paris, pour en faire un grand espace commercial et des logements haut de gamme adaptés au goût du jour. Ou encore, lors du récent projet de rénovation de l’hôtel de Coulanges à Paris pour en faire un centre de recherche culinaire (IRCAC) et un hôtel-restaurant (chacune des 30 chambres devant illustrer une époque du bâtiment du 17è au 21ème siècle), avec Hervé This, le père de la cuisine note à note, directeur à l’INRA de l’équipe de gastronomie moléculaire, et le restaurateur David Toutain. « Pour moi, s’interroger sur l’origine est nécessaire pour créer un nouvel éveil, un nouveau mouvement, un nouvel univers. Il est indispensable à chaque nouvelle création architecturale que l’on sente que l’architecte a voulu créer le maillon suivant, l’après… l’éveil » souligne Jean Hanemian, reprenant le thème d’un essai publié en 1984 dans la revue NEUF où il avait expliqué sa démarche architecturale sous le titre : « L’Architecture d’éveil ».
Une architecture d’éveil
Faire le lien entre l’origine et le futur est au cœur de tous les projets architecturaux de Jean Hanemian. Pour la création du siège social de l’agence de publicité CIA à Levallois-Perret, -qui lui valut l’Oscar du Design et le Grand Prix de la Rénovation en 1988-,il est revenu à l’architecture d’origine du bâtiment pour proposer une architecture en alvéoles autour d’une trémie centrale surmonté d’une verrière afin de restituer la lumière naturelle et faire entrer les rayons du soleil au cœur d’un espace jusqu’alors totalement fermé. La rénovation à Paris-La Défense d’Ellipse, un immeuble de bureaux des années 1970, dans le parfait respect de l’œuvre originelle tout en utilisant les dernières techniques et les plus récentes capacités des produits verriers, lui a valu une nomination aux MIPIM Awards en 2002. En Chine, pour la réalisation de cinq hôtels 4 étoiles de 400 chambres, Jean Hanemian a appliqué les règles de la pensée chinoise ancestrale, le Feng-shui. « J’ai même choisi de traduire l’esprit des toits pagodes qui représentent les ailes de anges qui vous accompagnent au ciel à la fin de l’existence, en créant un édifice ressemblant à une navette spatiale, prête à s’envoler. C’est l’application du maillon d’après qui m’est si cher » explique Jean Hanemian.
Le bien-vivre
Quand Jean Hanemian crée des projets d’architecture d’intérieur, qu’il s’agisse de logement, de bureaux, de magasins, d’hôtels ou de restaurants, il se pose toujours la question : quel est le besoin réel de l’utilisateur ? « Il s’agit de comprendre ce qu’il souhaite vraiment pour lui apporter le cadre où il se sentira bien » dit-il. Recevoir des mails de remerciements d’habitants des nouveaux logements qu’il avait construits en 2011 à Issy-les-Moulineaux, a été pour lui le plus beau des compliments.
Il était alors logique que l’itinéraire de Jean Hanemian le conduise jusqu’à la conception de mobilier. En 1985, sa table de conférence « sidérale » a attiré l’attention de Pierre Cardin et fait désormais partie de la collection privée de meubles de ce dernier. S’inspirant à la fois des conquêtes spatiales et des avancées médicales, il a conçu par la suite une série de fauteuils d’éveil qui se déplacent comme un Lem dans l’espace. Dans les locaux de l’agence Hanemian à Paris, on peut également admirer une table de conférence dont la raison d’être est de susciter la collégialité. En janvier 2016, lors de la prochaine édition du salon Maison & Objet, Jean Hanemian présentera une collection de meubles conçus et dessinés par son épouse, Olivia de Pazzis Hanemian et fabriqués en Birmanie à partir de matériaux du pays (bambou tressé, tek, laque,…) en partenariat avec Erwan et Neige Croix-Marie, elle-même d’origine birmane. C’est ainsi que sont nés des coffres, des paravents, des meubles d’appoints, des tables de chevet au design innovant tout en utilisant l’artisanat local et les techniques traditionnelles. « Ce qui est formidable dans le métier d’architecte comme dans celui d’architecte d’intérieur est LE nouveau projet, celui qui nous portera vers de nouvelles recherches, de nouvelles idées, de nouveaux horizons et nous permettra d’évoluer dans notre démarche » conclut Jean Hanemian.
Jean Hanemian reçoit l’insigne de Chevalier des Arts et des Lettres
Le 3 novembre 2015, Jean Hanemian a reçu l’insigne de Chevalier des Arts et des Lettres des mains de Jean Gueguinou, Ambassadeur de France, une distinction qui lui a été remise pour l’ensemble de sa carrière. La cérémonie s’est déroulée dans les élégants bureaux de l’agence à Paris, avenue Victor Hugo, réunissant clients, amis, famille. Jean Gueguinou a pris plaisir à évoquer les grandes étapes de la carrière de Jean Hanemian et à rappeler son tout premier projet développé alors qu’il était jeune étudiant en architecture. Il avait pour thème : « Une ville sur la Lune», réalisé en collaboration avec ses confrères Michel Clarion et Georges Bauret, des chercheurs de l’Observatoire de Meudon et avec le laboratoire héliotechnique de Marseille et le soutien de la NASA. Près de 50 ans plus tard, l’approche proposée est plus que jamais d’actualité et n’a pas pris une ride. « Contrairement à l’imagerie traditionnelle des villes lunaires de la science-fiction qui représente un quartier de ville classique sous un dôme transparent, j’avais choisi d’utiliser comme lieu d’implantation, un cratère naturel, matrice protectrice, à l’intérieur de laquelle la ville se développe en grappes en villages-bulles supportant une toiture plate composée de panneaux photovoltaïques et de capteurs solaires » explique Jean Hanemian, qui, fasciné par le futur en urbanisme, avait proposé en 1972 pour thème de son diplôme d’urbaniste, un scenario allant jusqu’à l’an 2000 sur la télépraxie précurseur de la télématique et comment elle allait influencer les modes de vie. Une œuvre d’anticipation qui s’est largement vérifiée depuis.